Le 22 avril 2025 à 14h06
par Damien Malvetti

Laurent Delmotte (Stellantis): « Notre objectif est de revenir à 20% de parts de marché en 2025 »

Ces derniers mois, le groupe Stellantis a été confronté à une série de défis majeurs qui ont ébranlé sa position sur le marché automobile. Problèmes moteurs, critiques sur la gestion du CEO Carlos Tavares qui ont mené à son éviction, mise en place – non sans douleur – du modèle d’agence… Aujourd’hui, le 2e plus grand groupe automobile d’Europe se trouve à un carrefour décisif face à de nombreux challenges que nous avons abordé avec Laurent Delmotte, B2B Director de Stellantis Belux depuis quelques mois.

l2f : Laurent Delmotte, comment se porte Stellantis aujourd’hui, notamment sur le marché fleet ?

Laurent Delmotte : « En janvier – certainement en partie grâce au salon -, nous avons augmenté nos ventes B2B de 63% par rapport à janvier 2024. Si on met le B2B et le B2C ensemble, on enregistre une hausse de 48%, ce qui est très prometteur. Nous nous sommes fixés un objectif très ambitieux pour 2025 : revenir à 20% de parts de marché, ce qui était notre niveau avant la crise du Covid. En chiffres concrets, cela signifie que nous souhaitons vendre 100.000 véhicules en 2025, là où nous en avons écoulé seulement 70.000 en 2024. »

l2f : En tant que directeur du fleet, quelle est votre stratégie envers les clients B2B ?

L.D. : « Aujourd’hui, je dirige un département fleet de 30 personnes qui gère quelques 500 clients en compte. Au fur et à mesure, on renforce nos équipes de vendeurs B2B car l’objectif est de faire encore grandir notre portefeuille. Je veux augmenter la prospection, aller davantage à la rencontre des clients potentiels, leur faire tester nos véhicules. Nous travaillons également avec des zones managers fleet qui soutiennent le réseau, surtout pour les clients indépendants et PME. »

l2f : Avec toutes les marques que regroupe Stellantis, n’est-il pas difficile de positionner certains modèles qui peuvent se concurrencer sur un même segment ?

L.D. : « Non. D’abord parce que les clients ont certaines habitudes qu’ils conservent ou un certain attachement à une marque plutôt qu’une autre. Ensuite, parce que nos équipes ont réussi à différencier chaque modèle. Que ce soit en matière de design, d’espace intérieur ou de comportement routier. Prenez le trio Opel Corsa, Peugeot 208 et Lancia Ypsilon. L’Opel va séduire pour sa sobriété, sa conduite germanique un peu plus dure. Sur la Peugeot, il y a un vrai travail qui a été effectué sur la tenue de route et sur l’équipement qui est plus complet. Enfin, la Lancia met en avant un côte premium et le design italien. Dans chaque segment où nous avons des véhicules qui pourraient se concurrencer, nous avons développé des différences pour que chaque client puisse se projeter et trouver un modèle qui correspond parfaitement à ses besoins. Au final, je vois même plutôt cette large gamme comme une force qui nous permet de toucher davantage de clients. D’autant plus pour la clientèle fleet. Je me retrouve souvent face à des clients B2B qui veulent rationaliser le nombre de marques ou d’importateurs avec lesquels ils travaillent. Chez nous, ils disposent d’un seul point de contact pour 10 marques et une gamme de produits énorme. Pour ces clients, on essaie de proposer des offres multiples et montrer toutes les options possibles. La valise de nos Key Account Managers devient de plus en plus lourde. A l’avenir, nous allons être encore plus attentifs aux attentes de nos clients en rajoutant des options qui ont parfois disparu de nos catalogues ces derniers mois. Mais il n’y a certainement en interne aucune volonté de supprimer une marque. »

l2f : L’ajout récent de Leapmotor confirme d’ailleurs cette stratégie de déploiement.

L.D. : « Tout à fait. Stellantis a acheté des parts de Leapmotor, une jeune marque qui performe bien sur le marché chinois. On a créé une société d’exportation dont Stellantis est actionnaire à 51% et les véhicules seront construits sur le territoire européen. Avec Leapmotor, on veut rendre l’électrique plus abordable et surtout atteindre les normes CAFE pour éviter de payer des amendes à l’Europe. Et c’est surtout du pain béni pour nos concessionnaires qui proposent la marque puisque pour une voiture Leapmotor électrique vendue, ils peuvent vendre 4 voitures thermiques d’autres marques. Actuellement, on compte une vingtaine de concessionnaires Leapmotor en Belgique, mais l’objectif est de doubler ce nombre rapidement. »

l2f : Quel sont les modèles qui performent le mieux auprès des clients B2B ou qui sont les plus prometteurs ?

L.D. :« Je suis ravi de la gamme B2B que nous avons à proposer à nos clients aujourd’hui. L’Alfa Romeo Junior fait des débuts très prometteurs, tout comme les SUV Peugeot 3008 et 5008 et l’Opel Grandland. La Peugeot 308 SW est par exemple le break le plus vendu en 2024. L’Opel Astra fait aussi de beaux résultats et nous attendons beaucoup du Citroën C5 Aircross qui arrivera cet été. Le C3 Aircross et son cousin Opel Frontera ont reçu un bel accueil du public jusqu’à présent.

Chez FIAT, c’est plus compliqué car la gamme s’est longtemps résumée à la 500 électrique. Il y a donc une baisse des ventes, mais l’arrivée de Grande Panda devrait donner un coup de boost.

Avec le retour de l’Ypsilon chez Lancia, notre volonté est de concurrencer MINI, tout en ciblant une clientèle différente qui apprécie le luxe à l’italienne car la voiture a beaucoup d’éléments très spécifiques, qui sont des clins d’œil aux modèles d’antan de Lancia. Il y a un gros travail de marketing à faire auprès des plus jeunes pour faire connaître l’histoire de cette marque emblématique. D’autres produits viendront compléter la gamme prochainement.

Pour faire connaître tous ces modèles, nous sommes actuellement occupé à organiser des roadshow auprès des loueurs et leur faire essayer les véhicules. Le 20 mai prochain, nous allons également organiser un événement à destination de nos gros clients pour leur présenter notre offre. »

l2f : Le marché du véhicule utilitaire léger est aussi très important pour Stellantis, avec une offre élargie dans 4 marques et notamment des possibilités en matière de LCV 100% électriques dans tous les segments.

L.D. : Aujourd’hui, notre part de marché sur le LCV est de 25 à 26%. Nous nous sommes fixés pour objectif qu’un LCV sur 3 sur le marché belge devra arborer un badge Stellantis d’ici la fin de l’année, soit 33%. Pour y arriver, nous avons mis en place une stratégie très ambitieuse. En janvier, nous avons enregistré une hausse de 55% des ventes de VU. Nous avons mis les moyens pour être concurrentiel. Nous disposons aujourd’hui d’une toute nouvelle gamme, avec un nouveau design à l’aspect plus cubique qui colle parfaitement au secteur professionnel. On travaille également beaucoup sur la conversion des véhicules avec nos partenaires afin de proposer une offre à la carte qui répond aux besoins de chaque client individuel. »

l2f : Ici aussi, il est parfois difficile de différencier les modèles d’un même segment d’une marque à l’autre…

L.D. : « Au Salon de l’Auto, nous avons justement misé sur cette similitude. Plutôt que de présenter les modèles de chaque marque sur les stands des marques, nous avions prévu un stand LCV sur lequel nous avions disposé 4 modèles. Chaque marque y était présente avec un seul modèle d’un segment spécifique. Le but était de présenter les possibilités de format. Mais nous savons que les clients qui roulent par exemple en camionnette Peugeot vont continuer à opter pour une Peugeot par habitude ou tout simplement parce qu’ils sont habitués à leur garage. »

l2f : Stellantis a été le premier groupe à mettre en place le modèle d’agence en Belgique. Deux ans après sa mise en place, quel bilan en tirez-vous ?

L.D. : « Honnêtement, nous avons ramé pendant un an et demi. Pour rappel : le but du modèle d’agence est que le client bénéficie du même prix pour son véhicule neuf, peu importe la concession où il l’achète. Les clients ont donc été satisfaits dès le départ puisqu’ils ne doivent plus marchander le prix de leur véhicule. Mettre en place cette structure a été une révolution en matière d’IT et de logistique puisque les voitures exposées dans les garages n’appartiennent désormais plus aux concessionnaires, mais bien à l’importateur. Aujourd’hui, les couacs sont résolus et je peux vous dire que le système fonctionne. Les retailers sont contents puisqu’ils dépensent moins. Leurs marges ont forcément été revues en fonction, mais ils n’ont plus à prendre de risques en achetant les véhicules, c’est le groupe Stellantis qui prend le risque pour eux. Certains concessionnaires ont ajouté de nouvelles marques pour remplir leur showroom, ce qui est aussi très positif en matière de perception et de présentation de notre gamme. Cela n’a pas été facile d’imposer ce nouveau modèle, mais nous n’avons jamais voulu faire marche arrière, malgré les critiques ou les craintes. La Belgique a été pionnière dans cette stratégie avec les Pays-Bas et l’Autriche. Nous avons prouvé que c’était possible et le groupe Stellantis va maintenant pouvoir déployer ce modèle dans d’autres pays. »

Retrouvez cette interview complète dans la dernière édition de link2fleet

Damien Malvetti

Damien Malvetti, rédacteur de cet article

Damien Malvetti a une formation de journaliste et est passionné par les voitures, la technologie et la mobilité. Il est responsable du contenu éditorial de link2fleet et possède une connaissance approfondie du secteur des flottes et de la mobilité électrique.
Cet article parle de : Véhicules , Importateurs et constructeurs

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